Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article USUS FRUCTUS

USUS FRUCTUS. L'usus [usus] ou usage et l'usus fr'uctas, usufruit, sont les deux plus importantes servitudes personnelles ou droits réels établis au profit d'une personne sur la chose d'autrui. L'usufruit est le droit d'user de la chose d'autrui et d'en percevoir les fruits, sans en altérer la substance'. Le propriétaire de la chose grevée d'usufruit garde seulement le jus abutendi, droit limité par la nécessité de respecter le droit de l'usufruitier, et le droit de conserver certains produits. Aussi sa propriété est-elle destituée de ses principaux attributs : c'est pour cela qu'elle est qualifiée de nue propriété, nuda profit-ictus' , et lui-même est appelé nu propriétaire. L'usufruit peut être établi sur toutes sortes de choses corporelles, mobilières ou immobilières, sauf celles qui se consomment par le premier usage, car pour elles le jus utendi se confond alors avec le jus abutendi; le droit romain a reconnu cependant l'établissement possible d'un quasi-usufruit, quelque chose d'équivalent à l'usufruit, sur ces choses et sur les créances. [On trouvera plus loin l'origine du quasi-usufruit. USU 612 USU Quant à l'usufruit véritable, il est postérieur aux servitudes prédiales et apparait seulement à la fin du vre siècle de Rome. A la différence des servitudes prédiales, c'est un droit temporaire et divisible.] Droits de l'usufruitier. Ils se résument dans le jus utendi et le jus fruendi. D'abord l'usufruitier a le droit d'user de la chose, c'est-à-dire de retirer de la chose et de ses accessoires toute l'utilité qu'ils sont, susceptibles de produire en dehors des fruits', comme, par exemple, si l'usufruit porte sur un fonds de terre, d'user des servitudes prédiales attachées au fonds. Quant au jus fruendi, il consiste dans le droit de percevoir et de conserver en toute propriété ceux des produits de la chose sujette à usufruit qui peuvent être rangés dans la catégorie des fruits, sans distinction entre les fruits naturels, les fruits industriels et les fruits civils. Mais les produits qui n'ont pas le caractère de fruits appartiennent au nu propriétaire. Aussi les produits d'une chose n'ont le caractère de fruits qu'autant qu'ils sont destinés à se reproduire à intervalles périodiques, comme les fruits des arbres ou des vignes. Mais les arbres sont tantôt des produits, tantôt des fruits; ce sont des fruits lorsque, par exemple, ils forment une pépinière, un bois taillis destiné à être exploité par voie de coupes régulières. Les fruits dont nous venons de parler sont appelés fruits naturels ou industriels. L'usufruitier peut aussi prétendre aux fruits civils, c'est-à-dire aux revenus de la chose lorsqu'elle n'est pas naturellement frugifère: tels sont les loyers d'une maison ou le prix de la location que l'on retire d'un esclave dont on a l'usufruit; il en serait de même si l'on avait donné en location une chose frugifère, comme, par exemple, une ferme, car les loyers perçus par l'usufruitier lui tiennent lieu de fruits. [L'usufruitier acquiert les fruits naturels et industriels nar la perception, soit qu'il les recueille par lui-même, sr un représentante. Pour les fruits civils, on leur le les règles du louage. S'il s'agit des loyers u une maison, ils sont acquis à l'usufruitier au jour le jour, c'est-à-dire au fur et à mesure de la jouissance du locataire. S'il s'agit d'une ferme, le fermage de l'année sera acquis à l'héritier de l'usufruitier seulement au cas oit le fermier aura fait la récolte avant la mort de l'usufruitier 3. En plus de ces droits normaux rentrant dans la notion stricte de l'usus et du fruclus, l'usufruitier possède le droit de céder son usufruit à un tiers à titre onéreux ou gratuit comme aussi de l'hypothéquer. Cette cession ne porte d'ailleurs que sur l'exercice ou l'émolument de l'usufruit, car le droit lui-même reste attaché à la personne physique et juridique du titulaire. Les droits de l'usufruitier d'un troupeau, d'un bois ou d'un esclave appellent quelques remarques particulières : 1° Le croit du troupeau appartient à l'usufruitier ; mais il est tenu de remplacer par les petits les têtes mortes °. 20 L'usufruitier d'un bois a le droit d'y faire des coupes régulières, s'il était déjà en exploitation (si/va eaedua)a. Si le bois était une haute futaie, l'usufruitier pourrait couper et vendre des arbres sans dépasser la limite raisonnable d'un revenu En tous cas, il profite des arbres morts ou déracinés, à charge de les remplacer3 : il est autorisé à prendre des arbres vivants ou des branches en vue de l'entretien des blitiments et de l'exploitation du fonds 3° L'esclave soumis à l'usufruit doit ses services à l'usufruitier, ruais en principe il continue d'acquérir pour le nu propriétairef0. Il acquerra pour l'usufruitier dans les cas suivants : acquisitions ex operis servi" (services de l'esclave loués à un tiers), acquisitions ex re fructuarii " (à l'aide d'une valeur fournie par l'usufruitier), stipulation au nom de l'usufruitier 13, libéralités faites à l'esclave en considération de la personne de l'usufruitier'''.] Obligations de l'usufruitier. En compensation de ses droits l'usufruitier est tenu de certaines charges. Ainsi il doit payer les dépenses d'entretien qui sont considérées comme étant la charge normale des fruits, c'est-à-dire les dépenses que le propriétaire supporte d'ordinaire en raison des fruits qu'il perçoit. 11 doit d'autre part jouir de la chose en bon père de famille, c'est-à-dire qu'il est responsable des dégradations que subitla chose par son fait Enfin il doit restituer la chose à la tin de l'usufruit. [Ces obligations n'existaient pas dans le droitromain ancien, où le ❑u propriétaire et l'usufruitier étaient, pour ainsi dire, étrangers l'un à l'autre. Elles dérivent de la cautio u.sufructuaria, dont l'usage est devenu obligatoire, d'abord pour les légataires d'usufruit d'après l'édit prétorien et au ii° siècle pour tous les usufruitiers quelconques.] Le préteur impose à l'usufruitier l'obligation de fournir avant d'entrer en jouissance la cautio use fructuaria, c'est-à-dire l'engagement personnel, sous forme de stipulation envers ce nu propriétaire, de jouir de la chose en bon père de famille et de la restituer à la fin de l'usufruit'', cette promesse devant être garantie par des fidéjusseurs. De cette façon le nu propriétaire pouvait agir, par voie d'action personnelle, pour demander compte à l'usufruitier de ses négligences et pour obtenir la restitution de la chose, tandis que, d'après le droit civil, l'usufruit n'étant qu'un simple droit réel, le nu propriétaire n'aurait eu que l'action de la loi Aquilia et la rei vindicatio. Constitution de l'usufruit. L'usufruit s'établit par lesmèrnes procédés que les servitudes prédiales urbaines, res nec mancipi. D'abord, par voie de translatio, l'usufruit ne pouvait être constitué jure civili que par in jure cessio, par adjudicatio ou par legs, [jure praetorio, par quasi-tradition, dRADITIO, p. 383-386. Dans les Institutes de Justinien, le mode normal entre vifs est le procédé des pactes et stipulations, venu du droit provincial de l'Orient 1°.] Mais l'usufruit pou s'ait être constitué aussi parvoie dedeductio dans une rnancipation; le propriétaire d'une chose mancipi qui l'aliène par voie de mancipalion peut s'en réserver l'usufruit f7; [dans le droit de Justinien, la tradition remplace la mancipation ; la réserve d'usufruit équivaut à la tradition corporelle] [TH 41)111û, p. 38àj. Quant au legs, il a toujours été le mode de USU 613 UTE constitution le plus usité, car un propriétaire consent plus volontiers à dépouiller de la jouissance de son bien l'héritier qu'il a choisi qu'à s'en priver lui-même de son vivant. [Le Bas-Empire connaît également un usufruit légal, le droit de jouissance du père sur les bon' adzentitia échus au fils]. Extinction de l'usufruit. Le droit romain considère avec faveur l'extinction des servitudes personnelles, dans lesquelles il voit des institutions plutôt nuisibles qu'utiles, en raison des conflits qu'elles peuvent faire naître entre les intéressés. Ainsi, en principe, l'usufruit est un droit essentiellement temporaire et tout au plus viager, qui doit s'éteindre normalement par la mort de l'usufruitier, à laquelle on assimile sa capitis deminutio. Si l'usufruitier est une personne morale qui juridiquement ne meurt pas, par exemple une ville, une corporation, l'usufruit est réputé ne pas durer plus de cent ans, délai que les Romains considèrent comme le plus long terme de la vie humaine. L'extinction de la personne civile produit le même effet que la mort naturelle de l'usufruitier. Mais comme ce mode d'extinction était souvent contraire à l'intention du constituant, Justinien décida que l'usufruit ne s'éteindrait plus par la capitis denzinutio minima'. L'usufruit s'éteint aussi par le non-usage, c'est-à-dire si l'usufruitier ou personne en son nom n'accomplit les actes d'usage ou de jouissance que comporte le droit réel, pendant un an pour les meubles, deux ans pour les immeubles, délai auquel ,l ustinien a substitué celui de dix à vingt ans, sans distinction entre les meubles et les immeubles. La consolidation, c'est-à-dire l'acquisition par l'usufruitier de la propriété de la chose soumise à l'usufruit, entraîne nécessairement l'extinction de l'usufruit, par application de la règle nemini res sua servit. Une autre source d'extinction analogue au non-usage est la renonciation de l'usufruitier au profit de son propriétaire. [Elle a lieu par in jure cessio ou simple pacte]. Enfin nous signalerons l'expiration du temps fixé, l'arrivée du terme ou la réalisation de la condition 3, ou bien encore l'usufruit éteint par la mutatio rei, c'est-à-dire lorsque la chose vient à être détruite ou a subi une altération essentielle, par exemple si l'usufruit porte sur une maison qui s'écroule. Du quasi-usufruit. L'usufruit peut être établi sur toutes les choses corporelles, sauf cependant sur celles (lui se consomment par le premier usage, telles que les denrées, l'argent monnayé, car l'usage que l'on ferait de ces choses conformément à leur destination aurait pour résultat de les consommer ; ici le jus abutendi se confondrait avec le jus fruendi, ce qui serait contraire à l'exercice du droit d'usufruit. Cependant cette manière de voir, admise pendant longtemps par le droit civil, était de nature à produire de nombreux inconvénients, notamment dans le cas d'usufruit constitué par testament. Quand le mari léguait à sa femme l'usufruit d'une quote-part de ses biens, le testament ne pouvait pas recevoir sa pleine et entière exécution, les choses de consommation et l'argent comptant se trouvant exclus de l'usufruit légué. Aussi un sénatusconsulte des premiers temps de l'Empire' décida que le testateur pourrait léguer l'usufruit de toutes les choses laissées dans son patrimoine, ce qui comprenait naturellement les choses se consommant par l'usage. Les choses se passaient en principe comme dans l'usufruit ordinaire. Elles en différaient cependant en ce que le quasiusufruitier devenait propriétaire des choses sujettes à usufruit et pouvait, par conséquent, non seulement en disposer comme il lui plaisait, mais encore les consommer sans être obligé de les rendre en nature à la fin de l'usufruit. Aussi devait-il donner caution de rendre à l'héritier nu propriétaire, soit des choses de même nature, qualité et quantité, que celles revues, soit leur estimation en argent, quand cela avait été ainsi convenu. Le quasi-usufruitier est donc débiteur d'une dette de genre, au lieu d'être débiteur d'un corps certain comme en cas d'usufruit ordinaire. La pratique' étendit même le sénatus-consulte aux créances, qui purent faire l'objet d'un quasi-usufruit; de la sorte, l'usufruitier d'une créance avait le droit de Loucher les intérêts, et même le capital en cas de remboursement avant la fin de l'usufruit. UTER ('Aru ;). Outre, récipient fait d'une peau de bête', en général d'une peau de bouc ou de chèvre 3; mais diverses autres sortes y étaient employées: Pline nous parle d'une drogue médicinale, le 1yeion, que les Indiens transportaient dans des outres en peau de chameau 5 ou de rhinocéros. On usait encore de la peau de porc' ou de boeuf'. D'après le récit merveilleux de Callixène de Rhodes sur la -ou ii, de Ptolémée Philadelphe, on y vit passer une outre gigantesque faite de peaux de panthères cousues, contenant 3 000 métrètes (environ 40 hectolitres), etd'ohle vin était distribué à la foule amassée sur le chemin'. Nous ne mentionnons que pour mémoire le récipient légendaire fabriqué avec la dépouille de Marsyas'. Les œuvres d'art permettent, souvent de reconnaître de quelle peau d'animal l'outre provient, et en montrent nettement le cou, les jambes et la queue 10. Nous n'avons aucun renseignementsurie mode de préparation auquel recouraient les anciens. De nos ,jours, l'outre en peau de bouc se fait sans couture ; avec un soufflet on gonfle l'animal mort; on retire l'intérieur par UTE UTE le cou; on lie' les ouvertures des jambes, coupées au genou (-o3Etÿves) 2, et on ferme le cou avec une bonde de bois entourée d'un chiffon. Pour les outres cousues, il y a de longues opérations préalables de lavage et de séchage qu'on recommence de temps en temps, afin de conserver la souplesse. Les coutures doivent être très soignées et enduites de poix. Nous savons du moins que ce genre de récipient fut usité de très bonne heure; il est mentionné dans la Bible3, dans l'épopée homérique', et il était commun en Égypte' ; quelques récits légendaires s'y rapportent également'. On le remplissait d'eau ' au besoin ; les armées romaines en campagne transportaient ainsi leur eau potable dans les régions désertiques'; elles s'accompagnaient donc d'utrarii °. C'est avec des outres qu'on arrosait l'arène dans l'amphithéâtre i0. Elles étaient commodes pour le transport de l'eau chaude 11 qui y gardait longtemps une température élevée. Les petites outres (t xiov'2 âor.(ôtcv13, utriculus") servaient même de boîtes à parfums f5; mais les essences précieuses exportées par grandes quantités s'enfermaient dans des peaux de chèvres " [uNGUuNTUv1]. Dans la plupart des cas toutefois ce que contenaient les outres, c'était de l'huile" (uter olearius18) et surtout du vins, en dépit du goîlt qu'il y prenait après un séjour prolongé. Il était recommandé de ne mettre le vin nouveau, susceptible de « travailler », que dans des outres neuves, dont le cuir pouvait encore se distendre20. L'épithète d'cx6s, chez les comiques 21, rappelle notre sobriquet « sac à vin ». Aussi l'outre est-elle un des attributs presque immanquables des Satyres et surtout du vieux Silène [SATS'RI, p. 1098; cf. fig. 3086] ; ils jouent avec elle" ou la tiennent jalousement", font le geste de verser dans une coupe un peu de son contenu " et de se désaltérer 2' ; ou bien ils boivent à même l'outre26, en s'entr'aidant pour avoir plus d'aise (fig. 7238) 27. Repus, ils s'adossent au précieux fardeau28, s'en font un siège2° ou même, gagnés par le sommeil, un oreiller 3U. Une terre-cuite représente Silène assoupi, étendu sur son outre, dont il tient en core le col étroitement embrassé". Sur une pélilté,trouvée à Géla, un Satyre a suspendu à son thyrse l'outre vi dée S2. Remplie, elle se porte, soit sous le bras33 ou sur le dos 31, soit sur une épaule" ou sur les deux épaules, derrière le cou, une main saisissant chaque extrémité 36. Les Satyres jouent ainsi, dans certaines oeuvres d'art, le rôle de caryatides, et l'outre gonflée, appuyée sur leur nuque, est comme l'échine d'un chapiteau 37. La vasque d'une fontaine porte sur les outres que soutiennent les épaules de quatre Silènes agenouillés36. Une autre, fort curieuse, a pour motif un Silène à califourchon sur une grosse peau gonflée (fig. 3158)". Sur un cratère d'Apulie'0, on voit quatre Satyres,précédés d'une Ménade, portants ec peine jusqu'à une maison une outre colossale entourée de liens et revêtue de lierre (fig. 7239). Un Silène à l'outre, copie de celui de Horne '1, se dressait sur tous les marchés des villes romaines dotées du jus Italicum i2. Dans les représentations figurées, l'outre est donnée aux personnages grotesques, à certains acteurs de la comédie", et aux ÜTE -Ç15TJTE figures mythologiques qui symbolisent la nature joyeuse et débridée, comme Pan', les l'aunes2 et même Éros Les outres de petite taille pouvaient être portées par dés bêtes de somme, ou même à dos d'homme sur de faibles parcours ; mais les plus considérables exi geaient un véhicule4. On en voit, dans les peintures plusieurs spécimens du type PLADSTRL'M, tirés par des mules. La voiture présente parfois une caisse sur chaque essieu, servant desupporta un grand appareil de barreaux de bois, dont la disposition rappelle la membrure d'un navire sur quille: cette sorte de berceau livre place à l'outre 6. Au-dessus courent les liens qui la rattachent à ce bâti; on les défait au fur et à mesure que le contenu s'épuise ; ce dernier est peu à peu déversé dans des amphores, qui sont bien plus maniables (fig. 286). La régularité de l'écoulement étaitassuréepardes tuyaux de terre cuite adaptés à l'unique ouverture '. Il s'en est retrouvé en nombre dans la vallée du Rhin, notamment à Bonn ; quelques-uns de grandes dimensions (mais qui semblent n'avoir jamais été engagés dans une bonde), d'autres plus petits (7 centim. de long sur 3°°',7 de large) pour récipients de moindre taille; ils avaient un rebord à l'une des extrémités, celle de l'extérieurs. On ligotait en arrière du tuyau. Quelques représentations pompéiennes figurent des outres sous forme de petits animaux, dont la gorge ouverte contient une tubulure analogue'. Les outres, de tailles diverses, devaient se louer pour les transports ; c'est à cette location que se réfère sans doute le prix maxinium (2 deniers) ainsi indiqué dans l'Édit de Dioclétien : in utretn 7nerces diurna 10. Ces récipients, d'entretien facile et qu'on trouvait à bas prix dans tout pays d'élevage, offraient le double avantage de supporter assez bien les chocs et de tenir peu de place, une fois vides. On y pouvait d'ailleurs enfermer toutes sortes de matières. Pendant la guerre du Péloponnèse, les Spartiates, assiégés dans l'île de Sphactérie, furent ravitaillés en vivres et en médicaments par des hilotes, qui traversèrent la rade à la nage, traînant derrière eux avec une corde des outres remplies de pavot miellé et de graine de lin pilée ". Dans les vieilles coutumes romaines, que le luxe n'avait point compliquées, on apportait des outres dans les salles de banquetsf2; par la suite13 on leur substitua, pour les réserves de vin, d'autres récipients [TINA]. L'outre resta seulement en usage pour les transports i4, les charrois en gros ; c'est ainsi que la plus grande des mesures à vin s'appelait CULLEUS, autre nom pour désigner l'outre. Mais on conservait le vin chez soi dans un matériel différent, tonneaux ou vases de terre''. Les outres pouvaient encore servir à emrnagasinerde l'air: on appelait ârxdç 16 ou zarxwi.a'71e soufflet de forge [FoLLIs, p.1227], souvent fait d'une peau de bouc (fig. 860). L'outre des ventsf8, attributd'Éole, est bien connue [ALOLuS, vENTI]. Les peaux gonfléest9 rendaient en conséquence le même genre de service que nos bouées de sauvetage.Dans un bas-relief de INinive20on voit Sennachérib assistant à la traversée d'un fleuve par ses guerriers: chacun, son bouclier et ses armes attachés sur le dos, nage de la main droite, à plat ventre sur une outre, et du bras gauche Lient une des pattes de la peau d'animal dont elle est faite. Les Lusitaniens n'allaient jamais en campagne que pourvus d'outres 2' : ils y enfermaient à l'occasion leurs vêtements, pour les tenir au sec quand ils traversaient une rivière en entrant dans l'eau 22. Lors du siège de Cyzique par Mithridate, L. Lucullus voulut annoncer son arrivée aux habitants de la ville, dont l'ennemi tenait l'unique entrée par le pont qui la rattachait au continent. 11 remit des lettres à un soldat bon nageur; celui-ci les abrita dans deux outres gonflées, qu'il avait reliées l'une à l'autre; il nagea entre deux, soutenu par elles, sur une longueur de 7000 pas, et trompa la surveillance de la sentinelle, qui de loin le prit pour un monstre marin2'. On établissait encore un pont en juxtaposant, par un système de cercles et de crocs, des peaux de veaux cousues et gonflées, sur lesquelles on étendait le tablier 24. Pendant la retraite des Dix-Mille, un Rhodien suggéra aux Grecs en détresse un moyen de traverser le Tigre 2': il demandait 2000 outres, qu'on pouvait se procurer avec les chèvres, boeufs et ânes disponibles; à l'aide de courroies d'attelage, il voulait les attacher et les rapprocher les unes des autres; ensuite y suspendre des pierres, qui auraient remplacé des ancres, et sur cet ensemble, ainsi IJTE -61GUTR affermi, jeter des branches et une couche de terre, pour empêcher les pieds de glisser. Mais l'ennemi était proche; ilfallutabandonner le projet. En 374 ap. J.-C. des soldats arméniens en fuite traversèrent l'Euphrate sur des lits réquisitionnés aux environs, dont chacun fut tanins J:-z;' formé en radeau à l'aide de deux outres assujetties audessous 1. Des peuplades établies sur un promontoire, à l'est de l'Arabie, fabriquaient avec des outresliées ensemble leurs frêles esquifs de pirates; aussi les anciens connaissaient-ils ces Arabes sous le nom d'Àscitae L'emploi en grand, dans la batellerie, des peaux de bêtes gonflées d'air était chose fort ancienne dans l'Orient asiatique. On a constaté que les mêmes pratiquesont traversé les siècles et sont encore courantes sur le Tigre 3 ; aux temps gréco-romains elles n'étaient donc pas périmées. Chose curieuse, d'après un bas-relief on gonflait les peaux avec la bouche. Un relief de Kouyoundjik'(fig. 7240) représente un radeau fait de gros madriers, sous lesquels de grands sacs de cuir aux flancs arrondis sont fixés par des cordages; il supporte une charge qui semble formée de matériaux de construction. Devant la proue nage un homme nu, couché sur une outre et qui, de la main droite, dirige l'embarcation'. Ce procédé n'était pas moins commode que l'emploi d'amphores vides, hermétiquement fermées, que la légende, inspirée sûrement de faits réels, plaçait sous le radeau d'Hercule ou sous celui d'Ulysse [BATIS, fig. 5919] ; des vases de terre, plus encore que des peaux, étaient exposés à se rompre contre les écueils; une outre déchirée sur un point pouvait au moins se réparer. Grecs et Romains construisirent-ils, dans d'autres contrées, des radeaux à la mode assyrienne? Nous n'en avons pas l'attestation formelle, et d'ailleurs beaucoup de rivières 7 ne s'y prêtaient pas; mais la chose est très probable, et nous possédons pour quelques régions de sérieux indices en ce sens [UTRICULARIUS]. Signalons enfin un supplice oriental infamant, qui fut infligé à Achaeos,roi de Sardes, livré àAntiochos III: on lui coupa l'extrémité des membres, puis le corps fut cousu dans une outre en peau d'âne et mis en croix'. L'analogie est frappante avec le châtiment que les peuples anciens faisaient subir aux parricides [cuLrus,PABBJcIDIUMl. Pour les poteries dont la forme rappelle une outre, voyez Asam," ; pour le havresac dit do-mn-1,,E.« 10, PER A; pour l'outre faisant sac de voyage (fig. 517) et la bourse en forme d'outre, PASCL'OLUS; enfin, pour le jeu consistantà sauter sur des outres graissées, AsIioLIA. V1cTOR Cnaror.